Ahwash et Ahidous des juifs berberes
Extrait de l'article 'Changement et continuité dans l'Ahwash des Juifs-Berbères'
- M. Elmedlaoui - membre de l'IRCAM.
'Cela n'est pas d'une notoriété publique, mais certain(e)s initié(e)s au moins savent que parmi les genres musicaux marocains, la musique maroco-andalouse, par exemple, a dépassé les frontière du Maroc pour s'implanter dans d'autres horizons grâce notamment à la mobilité de la communauté juive marocaine immigrée et à son attachement farouche à sa culture malgré tous les effets apparents des contraintes aliénantes de l'immigration.Cette implantation s'est surtout institutionnalisée avec la création de l'Orchestre Andalou d'Israël fondé par Avi Eilam Amzalag. Ce que je ne savais pas personnellement, jusqu'à très récemment, même si je l'ai toujours soupçonné et essayé d'en savoir avec précision en discutant à maintes fois notamment avec feu Haïm Zafrani, est le fait que le genre musical amazighe (berbère) de l'Ahwash ait également franchi les frontières du Maroc il y déjà un demi siècle pour s'implanter ailleurs. Cela, je l'ai appris récemment grâce à la thèse de Sigal Azaryahu (1999) intitulée : “ Processus de préservation et de changements dans la musique des Juifs de l'Atlas en Israël ” et aux échantillons vidéos de cérémonies vives de cet Ahwash d'outre mer que cet auteur a pu enregistrer auprès de certaines communautés de Juifs Marocains établis en Israël depuis les années cinquante du 20e siècle.Je me propose donc dans cet contribution, de faire une lecture de cette image en miroir que les vicissitudes de l'histoire nous renvoient à travers les éléments des travaux de Sigal Azaryahu.
...Il s'agit dune description comparative ethnomusicologique en hébreu (définition des rôles, des étapes, des fonctions et des significations) de certaines variétés de l'ahwash du Haut Atlas central, et de l'ahidus du Sud Moyen Atlas.La comparaison est faite entre les formes d'origine, audiovisuellement documentées à travers un travail de terrain dans les localités d'origine à Igloua , Tidili (Haut Atlas central au Sud de Marrakech) et Ait Bougmmaz (Sud-est d'Azilal), et les aspects que prennent ces formes d'origine dans le contexte de l'immigration judéo berbère marocaine en Israël, notamment dans les mochavim d'Aderet et de Shokeda.
...L'ahwash du mochav d'Aderet dont les acteurs et actrices proviennent des Igloua, et de Tidili dans le Haut Atlas central, se caractérise par une assez grande adhérence aux canons de l'ahwash des lieux d'origine. Cela se voit, entre autres, d'après traits suivants : commencement par un chauffage fonctionnel mais aussi rituel de tambourins authentiques (‘tagnza') sur un brasier afin d'en ajuster les trois tonalités; un cendrier improvisé en ‘naqus'; une bonne maîtrise du rythme quinaire 5/8, typique de l'ahwash, avec ces trois tonalités de percussion de tambourins (lhmz, agllay et nnqqr); des youyous justes et une danse sobre aux épaules et à mouvement vertical du corps; maîtrise des modes pentatoniques des airs; mémorisation d'un riche répertoire de chants et de mélodies anciennes; une diction chleuhe juste et une prononciation chleuhe standard. Par contre, il se trouve que les hommes ont parfois des difficultés à tenir le registre haut, qui caractérise la vocalise du chant chleuh; ils dégradent ainsi parfois la voix d'une octave par rapport aux femmes pour certains airs.
L'ahwash / ahidus du mochav de Shokeda , dont les acteurs et actrices proviennent des Aït Bougmmaz, se caractérise par une interférence des genres (ahwash / ahidus / bughnim) et par beaucoup d'éléments épars qui connotent des aspects d'acculturation aux niveaux, entre autres, (i) de la langue (accent andalou: un /l/ emphatisé et une perturbation des sibilantes), (ii) des répertoires (paroles, mélodies et danses), (iii) du costume masculin, et (iv) des instruments de percussion (tambourins légers).Il s'agit donc fort probablement d'une communauté de megorashim d'origine andalouse, déjà perturbée il y quelques siècles par un changement d'environnement linguistique et socioculturel suite à l'expulsion consécutive à la Reconquista (Andalousie => Maroc) et établie de surcroît , au terme de cette expulsion, dans une zone du Maroc qui est à cheval entre l'aire Tachelhiyt et l'aire Tamazight d'une part, et où interfèrent par conséquent l'ahwash et l'ahidus d'autre part, avant d'être enfin supplantée au milieu du 20e siècle du Maroc et pour s'implanter en Israël. Il y a là, en somme, l'illustration d'un scénario concret, parmi d'autres possibles en de semblables circonstance, de l'agonie d'un genre culturel d'une communauté bimillénaire...'
- M. Elmedlaoui - membre de l'IRCAM.
'Cela n'est pas d'une notoriété publique, mais certain(e)s initié(e)s au moins savent que parmi les genres musicaux marocains, la musique maroco-andalouse, par exemple, a dépassé les frontière du Maroc pour s'implanter dans d'autres horizons grâce notamment à la mobilité de la communauté juive marocaine immigrée et à son attachement farouche à sa culture malgré tous les effets apparents des contraintes aliénantes de l'immigration.Cette implantation s'est surtout institutionnalisée avec la création de l'Orchestre Andalou d'Israël fondé par Avi Eilam Amzalag. Ce que je ne savais pas personnellement, jusqu'à très récemment, même si je l'ai toujours soupçonné et essayé d'en savoir avec précision en discutant à maintes fois notamment avec feu Haïm Zafrani, est le fait que le genre musical amazighe (berbère) de l'Ahwash ait également franchi les frontières du Maroc il y déjà un demi siècle pour s'implanter ailleurs. Cela, je l'ai appris récemment grâce à la thèse de Sigal Azaryahu (1999) intitulée : “ Processus de préservation et de changements dans la musique des Juifs de l'Atlas en Israël ” et aux échantillons vidéos de cérémonies vives de cet Ahwash d'outre mer que cet auteur a pu enregistrer auprès de certaines communautés de Juifs Marocains établis en Israël depuis les années cinquante du 20e siècle.Je me propose donc dans cet contribution, de faire une lecture de cette image en miroir que les vicissitudes de l'histoire nous renvoient à travers les éléments des travaux de Sigal Azaryahu.
...Il s'agit dune description comparative ethnomusicologique en hébreu (définition des rôles, des étapes, des fonctions et des significations) de certaines variétés de l'ahwash du Haut Atlas central, et de l'ahidus du Sud Moyen Atlas.La comparaison est faite entre les formes d'origine, audiovisuellement documentées à travers un travail de terrain dans les localités d'origine à Igloua , Tidili (Haut Atlas central au Sud de Marrakech) et Ait Bougmmaz (Sud-est d'Azilal), et les aspects que prennent ces formes d'origine dans le contexte de l'immigration judéo berbère marocaine en Israël, notamment dans les mochavim d'Aderet et de Shokeda.
...L'ahwash du mochav d'Aderet dont les acteurs et actrices proviennent des Igloua, et de Tidili dans le Haut Atlas central, se caractérise par une assez grande adhérence aux canons de l'ahwash des lieux d'origine. Cela se voit, entre autres, d'après traits suivants : commencement par un chauffage fonctionnel mais aussi rituel de tambourins authentiques (‘tagnza') sur un brasier afin d'en ajuster les trois tonalités; un cendrier improvisé en ‘naqus'; une bonne maîtrise du rythme quinaire 5/8, typique de l'ahwash, avec ces trois tonalités de percussion de tambourins (lhmz, agllay et nnqqr); des youyous justes et une danse sobre aux épaules et à mouvement vertical du corps; maîtrise des modes pentatoniques des airs; mémorisation d'un riche répertoire de chants et de mélodies anciennes; une diction chleuhe juste et une prononciation chleuhe standard. Par contre, il se trouve que les hommes ont parfois des difficultés à tenir le registre haut, qui caractérise la vocalise du chant chleuh; ils dégradent ainsi parfois la voix d'une octave par rapport aux femmes pour certains airs.
L'ahwash / ahidus du mochav de Shokeda , dont les acteurs et actrices proviennent des Aït Bougmmaz, se caractérise par une interférence des genres (ahwash / ahidus / bughnim) et par beaucoup d'éléments épars qui connotent des aspects d'acculturation aux niveaux, entre autres, (i) de la langue (accent andalou: un /l/ emphatisé et une perturbation des sibilantes), (ii) des répertoires (paroles, mélodies et danses), (iii) du costume masculin, et (iv) des instruments de percussion (tambourins légers).Il s'agit donc fort probablement d'une communauté de megorashim d'origine andalouse, déjà perturbée il y quelques siècles par un changement d'environnement linguistique et socioculturel suite à l'expulsion consécutive à la Reconquista (Andalousie => Maroc) et établie de surcroît , au terme de cette expulsion, dans une zone du Maroc qui est à cheval entre l'aire Tachelhiyt et l'aire Tamazight d'une part, et où interfèrent par conséquent l'ahwash et l'ahidus d'autre part, avant d'être enfin supplantée au milieu du 20e siècle du Maroc et pour s'implanter en Israël. Il y a là, en somme, l'illustration d'un scénario concret, parmi d'autres possibles en de semblables circonstance, de l'agonie d'un genre culturel d'une communauté bimillénaire...'
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